Lu pour vous du 01/11/2024 : Les neurones miroirs, ça vous parle ?

Les neurones miroirs, ça vous parle ? Ce sont les plus rapides de votre cerveau et ils vous connectent aux personnes qui vous entourent sans même que vous ne vous en rendiez compte.

Au moment même où vous lisez cet article, il vous arrive quelque chose de fantastique. Sans que vous en ayez conscience, vos neurones miroirs sont en activité.


Une histoire de cacahouète…

C’est le professeur Giacomo Rizzolati1 et son équipe de l’université de Parme qui ont fait cette découverte fondamentale qui a changé la perception des interactions humaines.
L’équipe scientifique travaillait alors à l’observation d’un singe réalisant un geste simple : la prise d’une cacahouète. Quand le singe prenait une cacahouète, un signal retentissait. Jusque-là rien de très surprenant, jusqu’au moment où l’expérience s’est arrêtée. Pendant la pause, c’est l’équipe, qui a grignoté les cacahouètes, mais alors que le singe les regardait, le signal a retenti.
Surprise, l’équipe a d’abord cru à une erreur, mais ils se sont rapidement rendu compte que les neurones du singe qui étaient en action quand il faisait le geste, étaient aussi en action lorsque ce dernier regardait quelqu’un d’autre faire ce geste.

Cette découverte fut une véritable révolution, car elle a permis de comprendre un grand nombre de concepts comme l’empathie, les effets de groupes, jusqu’à la symbiose entre le comédien et son public. Grâce à ces neurones, chacun d’entre nous à accès à ce que ressentent et font les personnes autour de nous.

Les neurones qui ont construit l’humanité…

Cette découverte a permis de comprendre que lorsqu’une personne réalise une action, nous nous représentons mentalement cette action. Ce qui est valable dans l’action technique l’est aussi dans l’émotion.

Nous savions que les bébés et les enfants apprenaient beaucoup par l’imitation, nous comprenons maintenant que ceci est possible grâce aux neurones miroirs : nos chérubins reproduisent dans leur petite tête les gestes de leurs aînés : et mêmes les bêtises ! La capacité d’apprentissage est alors sans limite, dépassant les barrières des langues, des cultures… Il suffit en quelque sorte de « copier ». Ces neurones ont permis, et permettent encore, la transmission des savoir-faire, de la chasse des temps reculés aux gestes si techniques d’aujourd’hui2.

Concernant les émotions, il en va de même : lorsqu’une personne ressent une émotion, tout son corps l’exprime. Son visage affichera, parfois pendant des périodes très courtes, un grand nombre d’informations quant aux émotions ressenties. Nos neurones miroirs n’auront besoin que d’un centième de seconde pour les identifier, et nous faire partager ce que ressent notre camarade ou le comédien. Mais alors quelle est la frontière qui nous permet de ne pas confondre ce que l’on ressent de ce que ressent l’autre ?

Notre peau, une véritable merveille…

Une expérience surprenante a été réalisée : on a anesthésié le bras d’une personne, puis on a caressé le bras d’une autre personne. Celle qui était anesthésiée ressentait ce que ressentait la personne sur laquelle passait la plume, simplement en regardant : les barrières physiques étaient abolies et les corps ne formaient qu’un. Notre épiderme est doué de cette intelligence qui lui est propre, car c’est en effet uniquement notre peau et ses récepteurs qui font office de barrière et qui indiquent clairement la différence entre ce que ressent l’autre et ce que vous ressentez, vous.

Et au quotidien ?

Sur un plan personnel. Nous sommes chaque jour en interaction avec nos proches et nous partageons avec eux un nombre fantastique d’informations, parfois même sans y penser.
Imaginez qu’un ami arrive, vous échangez quelques mots et le voilà déjà reparti. Le temps de ce court intermède, vous avez accès à beaucoup plus que ce qu’il délivre simplement par la voix : son humeur, son état de fatigue, la façon dont il réagit à vos propos. En clair, les dits et les non-dits. Pour avoir accès à tout cela, nul besoin d’être un champion du monde de la communication non verbale, vous êtes naturellement fait pour comprendre l’autre, même au-delà des mots.

Il en va de même pour lui : ses neurones miroirs vous écoutent et intègrent ce que vous vivez le temps d’un regard. Cela explique d’ailleurs pourquoi, parfois, on se comprend sans dire un mot. L’action des neurones miroirs est fantastique, mais pourtant à double tranchant : s’il arrive que ces magiciens soient facilitateurs de la communication, ils peuvent aussi être la source de mauvaises interprétations. Chacun peut légitimement « ressentir » une tension chez l’autre et pourtant cette tension peut n’avoir aucun rapport avec la situation ou les personnes présentes. C’est ici aussi que le dialogue reprend tout son sens. Il replace ce qui est de l’ordre de l’interprétation et redonne une certaine objectivité à tout ça.

Sur un plan professionnel. Sur le plan professionnel, il est important de comprendre que notre attitude affecte immédiatement nos collègues. La communication non verbale est permanente et influence par exemple la relation client, le briefing du manager avec son équipe. Il existe de nombreux outils pour permettre de gagner en efficacité dans ce type de posture et faire de cette communication un élément fort.

Le principe de base de ces outils est de sortir la caméra pour gagner un peu de champ et permettre l’acquisition d’une posture bienveillante et authentique. Si la maitrise de ces techniques facilite l’action professionnelle, il est des métiers où cela est applicable par la prise de conscience. Une série d’articles récents sur le surmenage du personnel chargé de la protection du territoire national a attiré mon attention. Ces articles présentent l’état de fatigue de ces personnes dont une grande partie de l’action est directement liée à la relation publique. Dans ce type de professions, comme dans d’autres, la prise en compte de l’action des neurones miroirs est importante. Prenons par exemple le cas des forces de l’ordre. Un contrôle peut provoquer chez la personne qui en fait l’objet, une émotion liée à la notion même de contrôle. Ces hommes doivent alors composer avec les émotions qu’on leur renvoie, aussi légitimes soient-elles, tout en étant soumis à une pression opérationnelle forte. Ainsi, il est relativement important d’apporter un regard bienveillant sur le cadre de l’action et en cas de contrôle, replacer les éléments dans un contexte positif. L’effet en sera bénéfique pour tous. Ceci vaut en fait dans toute situation d’interaction humaine, où chacun est soumis à différents types de tensions. Du chauffeur de bus, au professeur, en passant par le délégué médical, tous sont soumis à ce que l’on pourrait appeler une double contrainte : la première est opérationnelle, liée à une notion de résultats, à un objectif à atteindre. La seconde est fondamentalement humaine, et ces éléments, qui peuvent être moteurs, peuvent suivant la sensibilité de chacun et l’image renvoyée par l’interlocuteur, être coûteux en énergie.

Vous êtes plus connectés que vous ne le pensez…

L’humanité tout entière a devancé Facebook et X (Ex. Twitter) depuis des milliers d’années et nos civilisations sont le résultat d’apprentissages et de partages multiples dont les neurones miroirs sont les discrets artisans. Dans chaque situation et interaction humaine, nous partageons. Le simple fait de se croiser est déjà source de partage. Nous continuerons ainsi tout le long de notre vie, un parmi des milliers et des milliers formant un à faire grandir l’humanité, un très beau challenge…

1 Les neurones miroirs- Giaccomo Rizzolati – Éditions Odile Jacob
2 Les neurones qui ont construits l’humanité – TED Vilayanur Ramachandran

https://actu.fr/occitanie/toulouse_31555/blog-comment-vos-neurones-miroirs-vous-connectent-aux-personnes-qui-vous-entourent_3526902.html