Le saviez-vous du 01/05/2022


La qualité émotionnelle de l’anxiété est proche de la peur, mais elle s’en distingue par le fait que la source du danger, externe ou interne, est soit imaginaire, soit réelle mais surestimée.

L’orpheline anxieuse

La « Jeune orpheline au cimetière» peinte par Eugène Delacroix en 1824 présente toutes les caractéristiques d’une personne anxieuse en attente d’un danger imprécis, mais imminent.

L’anxiété du personnage qui est au premier plan. En particulier à cause de son regard et de son attitude générale. Le regard de la jeune fille s’oriente vers quelque chose en dehors du cadre, mais quoi ?

Son attention semble totalement happée par cette recherche d’un objet, perçu comme menaçant. Plusieurs signes le suggèrent. D’abord, la posture adoptée n’est pas une pose détendue, mais plutôt celle d’une personne qui vient de se retourner, comme si elle avait été appelée par un tiers ou si elle avait ressenti la présence de quelqu’un derrière elle. Or que peut-on attendre de bon dans un lieu aussi triste, terne et désolé ? Ensuite, la jeune fille est dans une position d’arrêt.

Elle ne va pas interagir avec quelqu’un : la posture inconfortable, la mollesse de la main droite, abandonnée sur la cuisse, l’épaule gauche légèrement dénudée par le mouvement du corsage, la netteté des traits du corps indiquent qu’elle s’est figée, attendant un événement. Et d’où vient cette grande ombre en bas à droite du tableau, sur laquelle tranche le chemisier de la jeune fille ?

N’est-ce que l’ombre portée du personnage ?

Un danger imminent

Bien que les yeux exorbités témoignent d’une réaction d’alerte, le regard part vers le ciel : elle semble ne pas savoir vers où porter son attention. Or qu’est-ce que l’anxiété, si ce n’est une réaction d’alerte, en raison du sentiment pénible et anormal associé à l’attente d’un danger imprécis, mais imminent ?

La jeune orpheline dans le cimetière, dans son attitude figée, les yeux grands ouverts, le visage empourpré par l’émotion, la bouche entrouverte trahissant sans doute une respiration haletante, illustre parfaitement l’aspect que prend une personne en proie à l’anxiété. Aurait-elle aperçu la grande faucheuse ?
Pour la Science 2012