Énoncé de la théorie
La théorie sous sa forme simplifiée peut s’énoncer de la sorte:
« À chaque moment de réveil, votre cerveau utilise vos expériences passées, organisées en concepts, pour guider vos actions et donner un sens à vos sensations. Lorsque les concepts impliqués sont des concepts d’émotion, votre cerveau construit des moments d’émotion. »
De manière plus détaillée, des moments d’émotion sont construits dans tout le cerveau par plusieurs réseaux cérébraux en collaboration. Les ingrédients entrant dans cette construction incluent l’interoception, les concepts et la réalité sociale .
Les prédictions intéroceptives fournissent des informations sur l’état du corps et finissent par générer des sentiments basiques et affectifs de plaisir, de déplaisir, d’éveil et de calme. Les concepts sont des connaissances incarnées (de votre culture), y compris des concepts d’émotion.
La réalité sociale constitue l’accord collectif et le langage qui rendent possible la perception de l’émotion chez les personnes partageant une même culture.
Par analogie, considérons l’expérience de la couleur. Les personnes ressentent les couleurs sous forme de catégories discrètes: bleu, rouge, jaune, etc., et ces catégories varient selon les cultures. Cependant, la physique de la couleur est en réalité continue, les longueurs d’onde étant mesurées en nanomètres sur une échelle allant de l’ultraviolet à l’infrarouge. Lorsqu’une personne perçoit un objet comme étant « bleu », elle utilise (inconsciemment) ses concepts de couleur pour catégoriser cette longueur d’onde. Et en réalité, les gens perçoivent toute une gamme de longueurs d’onde comme étant « bleues ».
De même, les émotions sont généralement considérées comme discrètes et distinctes, la peur, la colère, le bonheur, tandis que l’affect (produit par l’intéroception) est continu. La théorie de l’émotion construite suggère qu’à un moment donné, le cerveau prédit et catégorise le moment présent au moyen de prédictions intéroceptives et des concepts d’émotion de sa culture, afin de construire un moment d’émotion, tout comme on perçoit des couleurs discrètes. Ce processus instancie l’expérience « d’avoir une émotion ».
Par exemple, si le cerveau de quelqu’un prédit la présence d’un serpent ainsi que les effets désagréables qui en résulteraient, il pourrait catégoriser et construire une expérience de «peur». Ce processus a lieu avant que toute entrée sensorielle réelle d’un serpent atteigne la conscience.
Au contraire, un chercheur défendant la théorie des « émotions de base » dirait que la personne voit d’abord le serpent et que cette entrée sensorielle déclenche un « circuit de la peur » dédié dans le cerveau.